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[Interview] Mycotoxines A quel moment soupçonner les mycotoxines dans la ration des vaches ?

Lorsqu’un élevage présente des baisses de performances zootechniques en dépit d’une gestion rigoureuse et d’absence de problème sanitaire, il est alors intéressant de vérifier le risque de contamination en mycotoxine dans l’alimentation. Jérôme Larcelet, expert en nutrition chez Optival et Oxygen Conseil Elevage y répond.

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Aujourd’hui, le risque d’être confronté à des mycotoxines dans les élevages laitiers devient courant car il y a de plus en plus d’ensilage dans les rations, de paille incorporée dans les mélangeuses, d’utilisation de co-produits et de matières premières, d’incidents climatiques… En outre, les vaches hautes productrices ingèrent davantage et peuvent avoir des difficultés à détoxifier ces nombreuses molécules produites par des champignons.

Jérôme Larcelet est expert en nutrition aux conseils élevage Optival (Pas-de-Calais) et Oxygen (Lorraine). (©DR)

Comment peut-on gérer efficacement un risque mycotoxine en élevage ?

Avant de soupçonner la présence de mycotoxines dans le troupeau, il faudra d’abord travailler sur toutes les autres pistes : conduite du troupeau, ration, parasitisme, sanitaire… Et seulement en dernier, si toutes les autres pistes ne donnent rien, la question des mycotoxines peut se poser.

L’étape suivante consistera à réaliser une analyse pour confirmer la présence ou non de mycotoxines mais surtout pour déterminer quels types de mycotoxines pourraient être présents. En effet, selon les mycotoxines retrouvées dans l’analyse, le choix du produit de traitement est différent. Il ne faut pas confondre ces analyses de recherche de mycotoxines avec les analyses qui permettent de mettre en évidence des moisissures et le dénombrement des spores. Ces dernières sont moins coûteuses mais ne permettent en aucun cas de mettre en évidence la présence ou non de mycotoxines. En effet, il peut y avoir présence de moisissures mais pas de mycotoxines, ou inversement. Il est préférable de réaliser une analyse de la ration à l’auge plutôt que d’un seul aliment car tous les aliments peuvent être concernés (ensilage, paille, foin, céréales, tourteaux, co-produits…).

Et si l’analyse se révèle positive ?

Si l’analyse révèle la présence de mycotoxines, il existe deux stratégies pour lutter contre. La première consiste à utiliser des capteurs-fixateurs qui vont se lier avec certaines mycotoxines. Il s’agit principalement des argiles, des parois de levure et des charbons actifs. Ils utilisent les caractéristiques chimiques des mycotoxines pour se lier à elles comme un aimant et, par la suite, les éliminer dans les fèces. C'est le cas des Aflatoxines et des Alcaloïdes d'ergot. Cependant, la majorité des mycotoxines ne possèdent pas ce type de charge et ne sont pas retenues par les capteurs-fixateurs, comme certaines Trichothécènes (DON, Toxine T2). La seconde stratégie pour lutter contre ces toxines est la désactivation enzymatique. Cela consiste à utiliser des enzymes qui vont permettre d’éliminer la toxicité des mycotoxines en les dénaturant. La forme détoxifiée n’a alors plus d’effet néfaste sur l'organisme des animaux. La mise en place d’un traitement de lutte contre les mycotoxines se fait dans la ration à l’auge tant que celle-ci comporte des aliments contaminés. Le coût est d’environ 0,20 à 0,25 €/VL/jour.

Quelles incidences réelles peuvent-elles avoir sur les vaches laitières ?

Les vaches laitières, comme d’autres ruminants, ont une certaine capacité à se protéger des effets des mycotoxines grâce à l’action détoxifiante de certains micro-organismes du rumen. Cependant, dans le cas des vaches hautes productrices, la vitesse de passage des aliments dans le rumen est plus rapide, ce qui laisse moins de temps aux micro-organismes pour détoxifier les mycotoxines. La combinaison avec les facteurs tels que haute production, action microbienne insuffisante, ration déséquilibrée (acidose subclinique, acétonémie…), permet aux mycotoxines d’échapper à la détoxification et d’être absorbées au niveau de l’intestin comme chez les monogastriques.

Les mycotoxines peuvent être à l’origine de pertes économiques considérables. Les symptômes des mycotoxines dans un troupeau laitier peuvent être de différents types, cliniques et subcliniques, en fonction du nombre et du type des mycotoxines impliquées et des interactions entre elles. Les mycotoxines exercent leurs effets à travers quatre mécanismes : réduction de l’ingestion alimentaire, réduction de l’absorption nutritionnelle, altération des systèmes hormonaux, suppression du système immunitaire.

Les symptômes les plus souvent rencontrés sont : une baisse de l’ingestion, une baisse de la production laitière, des troubles de la reproduction, une augmentation du taux cellulaire… Dans la majorité des cas, elles amplifient des symptômes déjà existants.

D’où viennent ces mycotoxines et comment se développent-elles ?

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires très toxiques produits principalement par des moisissures (champignons) qui contaminent les cultures au champ, et plus rarement les silos de fourrages. Actuellement, environ 400 mycotoxines sont connues et les plus courantes peuvent être classées en six grandes familles : Alfatoxines, Thricothécènes, Fumonisines, Zéaralénones, Ochratoxines et Alcaloïdes d’ergot. Ce sont les champignons qui produisent des mycotoxines pour se défendre lorsqu’ils sont en stress (thermique, hydrique…) ou lorsqu’il y a de la concurrence (présence de plusieurs champignons). Les champignons producteurs de mycotoxines les plus communs dans le nord et l’est de la France sont les Fusarium qui se développent au champ. Les facteurs favorisant leur développement sont les variétés utilisées, le climat, la présence d’insectes foreurs (pyrales), les techniques culturales, les incidents climatiques (grêles), les dates de semis et de récolte... Il n’est donc pas facile de maîtriser leur développement au champ.

 

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